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Mamounia
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28 janvier 2008

De mieux en mieux

6h45 : la sonnerie du téléphone nous arrache brutalement à nos derniers moments de quiétude pré-hystérie-matinale.  C'est pour moi.

"Allo, c'est Martine, je suis enseignante à l'école XYZ (oh zut, je devais enlever mon nom de leur liste de suppléance, j'ai oublié! C'est l'école où va Manu et ils ne m'ont JAMAIS appelée ), pourrais-tu me remplacer aujourd'hui?"
Première erreur : répondre par "bien sûr, pas de problèmes"
" Tu es inscrite comme TES (Travailleuse en Éducation Spécialisée, moi?  cà doit être un coup de la secrétaire qui a vu mon bacc de psycho-éducation)"
Deuxième erreur : ne pas comprendre le sous-entendu de cette affirmation énoncée d'un ton plein d'espoir.  Je comprendrai trop tard que cà veut dire "comme tu as sûrement déjà travaillé avec des délinquants (non, juste des déficients, et cà fait 25 ans), tu pourras sûrement affronter ma classe".

Et là-dessus, voilà Martine qui m'énonce le programme de la classe pour la journée, entrecoupé de remarques intéressantes toutes les deux phrases, genre :
" Tu sais, c'est une classe très difficile"
" Il faudra que tu les tiennes bien"
" Ils ne comprennent pas vite, il faut répéter sans arrêt"
" Il y'a des cas vraiment lourds"
" C'est une journée pleine, sans spécialistes"
" Bonne chance"
" N'aie pas peur d'appeler au secours" (au secours, je ne veux pas y aller!)

Tout pour me donner l'envie de lui raccrocher au nez et d'aller me mettre la tête sous l'oreiller.

Ô joie, que cà me tente.  Bon, j'ai dit oui, jetons-nous dans la fosse aux lions.

Première période.  Oh finalement, ce n'est pas pire que bien des classes que j'ai eues dans l'autre école, je devrais passer à travers la journée sans trop de dégâts.  À condition d'oublier le vrai Educateur Spécialisé qui a fait irruption dans ma classe en menacant les trois pires sujets des pires représailles alors qu'ils n'avaient encore rien fait et en avertissant les autres de se tenir mieux et de faire moins de bruit (coudonc, je dois être sourde, je n'entendais rien...).

Deuxième période. Un pitre pire de moins.  Il a donné un coup de poing "accidentel" (ben oui, ha ha) à un autre et j'avoue qu'après les 17 avertissements des dernières 30 minutes, je suis plutôt soulagée de l'envoyer saluer l'éducateur spécialisé de ma part.  Ma liste de dérangeants au tableau s'allonge, le moral baisse.  Par contre, ils travaillent bien et je ferme les yeux sur l'un des pitres pires qui, bien qu'il n'ait pas dû être assis sur sa chaise plus que 5 minutes en deux heures, travaille très bien et a un bon sens de l'humour.  Je craque pour les petits rigolos, eh oui.  Mais lui aussi se retrouvera chez le TES après que je l'ai retrouvé en train d'en menacer un autre avec de gros ciseaux pointus. Je le trouve moins rigolo tout d'un coup.  Et je suis beaucoup moins rassurée sur la suite de la journée.

Et je ne parle pas de la période-maths.  Trouvez où est le numérateur dans les fractions suivantes.

Hum.

Moi : "Psss, Valérie, c'est quoi déjà un numérateur??"

Jean-Marc : "moi je l'sais, moi je l'sais, c'est le contraire du dominateur!"

Ah oui.  Le dominateur.  Cà me dit quelque chose...

Moi : "Heu... Jean-Marc, je crois qu'on appelle cà le dénominateur"

Jean-Marc : "ah oui, c'est vrai"

Ouah... je suis bonne quand même.  "Heu... Et, Jean-Marc, il est où ce fameux dénominateur?"

Jean-Marc : "ben, c'est le chiffre en bas"

Moi, hypocrite : "bravo, bien sûr, tu as raison!"

Problème suivant : trouvez si les grandeurs suivantes sont plus petites ou plus grandes que 100cm. 
14dm, 1m, 1dm, 10dm....

Moi : "VALÉRIIIIIIIIE!!"

M'énervent.

La dernière période de la journée est la pire.  Deux des pires moineaux de la classe sont devenus incontrôlables, ils accumulent les niaiseries, crachent dans le bureau de l'autre, me défient, dérangent... Et il est trop tard pour les envoyer chez le TES une autre fois.  Par contre, je les avertis que ce sera noté sur le rapport à l'enseignante et qu'elle fera un suivi demain (tiens, Martine, cà commencera bien la journée demain...).  Et le reste de la classe ne vaut guère mieux.  Pourtant ils sont très intéressés par l'histoire des Algonquiens que je leur raconte, tellement intéressés qu'ils posent questions sur questions, tous en même temps, sans écouter les réponses et se lancent des commentaires entre eux.  Le chapitre sur la chasse devient une occasion de débattre de la question à savoir s'il y'a des grizzlis dans le Parc de la Gatineau, la pêche amène la narration du dernier voyage de pêche de l'oncle de l'autre, les tenues dénudées des amérindiens sur les illustrations donnent lieu à une bonne rigolade (ha ha).  Qu'est-ce qu'on se marre.  Qu'est-ce que j'en ai marre.

Qu'ai-je fait une fois la journée finie?  Après avoir passé 10 minutes affalée sur ma chaise à reprendre mon souffle?  J'ai été illico enlever mon nom de la liste de remplacement de l'école.  Na. Il me reste l'école de Magali, c'est bien assez!

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Commentaires
T
C'est atterrant. Quel courage ils ont.
M
Enidan, malgré tout mon désir, je ne peux pas te dire que non, C'EST une classe régulière... Moi je plains les pauvres enfants qui essaient d'apprendre et qui sont dans cette classe avec une gagne pareille... Et ne parlons pas de l'enseignante!
E
Non mais c'est pas une classe régulière hein ?? Dis moi que non... dis moi que non !! ça pas de sens !!!
M
C'est ce que j'allais dire, chapeau à la titulaire du poste.
M
Dodinette, c'est exactement ce que j'ai pensé 243 fois dans ma journée, je lève mon chapeau à toutes les Martines et les Martins du monde, il faut avoir une sacrée vocation pour être enseignant, bravo! Moi je me disais "demain, je ne serai pas avec eux, j'ai juste à passer à travers cette journée, après c'est fini!"
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