Y'en a marre
Ouep, des fois la marmite déborde...
Je suis bénévole pour l'agence d'adoption avec qui nous avons adopté Magali. Cela fait donc 8 ans que j'accompagne des parents dans leur démarche d'adoption, autant pour les aider avec le montage de leur dossier que pour les soutenir pendant l'attente et, parfois, après l'arrivée de l'enfant.
Ces temps-ci (ou plutôt devrais-je dire, ces années-ci), l'adoption va très mal en Haïti, l'attente est de plus en plus longue et c'est devenu inhumain pour parents et enfants. Je les comprends, j'ai attendu Magali pendant seulement 3 mois mais cà a été les 3 mois les plus longs et les plus difficiles de mon existence. Alors 18 mois ou 2 ans, comme certains parents, je n'ose pas imaginer... La plupart des parents sont compréhensifs, ils savent que nous faisons notre possible, et malgré leur frustration et leur chagrin, ils nous font confiance. D'autres sont très agressifs, cà aussi je comprends mais c'est très difficile à vivre, pour nous... Voilà ce que j'ai écris à une maman ce matin, qui a accueilli sa fille dernièrement et a déclaré ne plus vouloir jamais faire affaire avec nous ("faire affaire"?? On n'est pas une compagnie!) :
"Un petit mot aussi pour vous dire que je suis
profondément désolée d'apprendre que vous avez été
déçue de nos "services". C'est extrêmement difficile
pour nous et surtout pour Mme G. (la responsable) de recevoir ce
genre de commentaires quand elle se dévoue corps et
âme pour le bien-être des enfants, aux dépends de sa
santé physique et mentale. C'est malheureux quand les
parents ne comprennent pas tout ce que le travail en
adoption, surtout avec Haïti, demande en temps et en
énergie et comme nous y sommes émotionnellement
impliqués, ce ne sont pas juste des dossiers pour nous
mais des enfants que nous connaissons et auxquels nous
sommes attachés, que nous voulons par dessus-tout
savoir en sécurité et heureux auprès de leurs parents
adoptifs.
C'est vrai que nous ne sommes pas sans reproches, les
nouvelles sont rares, vagues, parfois contradictoires,
mais nous travaillons avec les ressources qui existent
et elles sont presque inexistantes en Haïti. Les problèmes
et les imprévus sont nombreux et nous devons naviguer à
travers cà en essayant de garder la tête au-dessus de l'eau.
Oui,les nouvelles sont importantes pour les parents mais
cela n'aide pas les dossiers à avancer et nos
priorités sont les enfants. Nous comprenons toute la
frustration et la peine des parents qui attendent mais
il faut comprendre que nous en vivons beaucoup nous
aussi, en plus de recevoir l'agressivité et les doutes
des parents adoptants qui souffrent. Nous n'avons
aucun avantage à laisser les enfants aussi longtemps
dans les crèches, mais nous n'avons aucun contrôle sur
les dossiers et aucun moyen de pression pour faire
accélérer les choses.
Comme bénévoles, notre seule gratification est de voir
les enfants arriver et les parents heureux. Ces
temps-ci, nous n'avons ni l'un ni l'autre. Pas
étonnant que les bénévoles lâchent tous les uns après
les autres et que Mme G. parle d'abandonner
son travail une fois que tous les enfants seront
rentrés au pays. Heureusement, il y'a encore des
parents qui comprennent et qui ont confiance, c'est ce
qui nous aide à continuer, au moins pour finir les
dossiers, mais c'est de plus en plus difficile et les
remarques négatives et agressives nous font beaucoup
de mal et de peine.
Désolée, il fallait que je vous le dise, j'espère que
vous comprendrez un peu notre situation et que tout
n'est pas aussi blanc ou noir que cà en a l'air. Nous
faisons notre possible, nous ne sommes pas parfaits
mais nous sommes par contre convaincus et parfaitement
en paix avec notre conscience comme quoi nous faisons
de notre mieux et que nous ne pourrions pas faire plus
pour les enfants et pour l'avancement des dossiers,
peu importe ce qu'en pensent certains parents qui ne
comprennent pas les difficultés administratives,
humaines et sociales en Haïti (il faut l'avouer, c'est
dur à comprendre tant qu'on n'est pas impliqué!).
Cela dit, je vous souhaite de beaux moments avec votre
fille, je sais combien les premières semaines peuvent
être difficile, surtout quand on n'a pas de répit,
n'hésitez pas à demander du soutien à vos amis et
votre famille..."
Cà fait du bien des fois... Heureusement que la plupart des parents sont gentils,
compréhensifs et nous font confiance!