Tout le monde, il est pas beau et pas gentil
On sait que CÀ existe. On le lit dans les journaux, on le voit dans les nouvelles. Mais on essaie de ne pas y penser, de ne pas y croire, de se dire que chez nous, dans notre petite ville, cà n'arrivera pas. Et un jour...
L'endroit : l'aréna de la ville où François vient de jouer un match
La situation : les gars rejoignent leur salle de change pour enlever leur équipement de hockey
Le contexte : dû à toute une série d'urgences urgentes pré-match, l'entraineur n'a pas eu le temps de verrouiller la porte de la salle.
L'évènement : 2 gars se sont fait voler de l'argent, un mp3, des cigarettes...
Branle-bas de combat. Les parents et les jeunes sont fâchés, l'entraineur aussi (et penaud), tout le monde cherche les coupables. Les seuls "étrangers" aperçus pendant le match sont deux enfants qui sont passés devant nous "mais ils étaient tout petits, presque des maternelles!". On va interpeller quelques jeunes au centre-jeunesse voisin de l'aréna, sans résultats. Alors que l'entraineur revient bredouille, les deux petits qui se promenaient réapparaissent. Ce sont vraiment deux jeunes enfants, impossible que ce soit eux les voleurs. C'est alors que l'entraineur en intercepte un et envoie un parent à la poursuite de l'autre (qui a quitté l'aréna). Il pose quelques questions au jeune qui a l'air éberlué et commence à le fouiller. Indignation rentrée de ma part : "mais voyons-donc, on ne peut pas faire cà! En plus, ce sont des enfants, ils n'ont pas PU ...". Oups. Découverte du paquet de cigarettes dans la poche du jeune. Je suis totalement estomaquée. L'autre petit est amené et interrogé. Les deux nient un bon moment puis le plus jeune (qui a l'air d'avoir 7 ans!) sort le mp3 et l'argent de ses poches et le remet à l'entraineur. Il manque encore de l'argent mais les deux jeunes affirment avoir tout remis.
Nous décidons d'appeler la police. J'ai encore du mal à croire que ces enfants ont pu faire qq chose d'aussi gros et je m'asseois près d'eux (réflexe maternel et protecteur, on ne sort pas la mère d'une mère!) pour leur parler et pour les rassurer (même si on ne lit pas grand remord sur leur visage!). Du coup, je suis désignée comme leur "gardienne de prison". Je suis complètement bouleversée par ces visages enfantins, surtout celui du plus petit qui respire l'innocence. Le plus grand a un air un peu plus sournois mais, merde, cela reste un enfant et je déteste entendre les commentaires qui fusent du style "le grand, il est pourri, il n'y a rien à en faire, c'est de la graine de bandit!". Je jase avec eux, leur raconte ce qui va se passer, leur demande leur âge (10 ans les deux, finalement!), leur école, leurs amis, leurs sports préférés... Et bien sûr, je leur fais un peu de morale, j'essaie de comprendre...
La police (policière) arrive, elle prend le relais, interroge et fouille chaque enfant à tour de rôle (je suis invitée à garder mon rôle de gardienne pendant ce temps). Il s'avère que les jeunes ont trouvé un joint dans le paquet de cigarettes et qu'ils l'ont fumé! 10 ans. On ne découvre rien de plus sur eux. La policière appelle les parents du plus grand, sa mère viendra le chercher, et la mère du plus petit étant handicapée, c'est la policière qui le ramènera chez lui. Où j'espère qu'ils auront droit à un méchant savon mais à un savon juste... Mauvaise idée de faire ce genre de coup juste avant Noël, le Père Noël ne sera pas content...
Mon rôle est terminé, je repars avec les derniers intervenants restés sur place mais le sommeil est difficile, la réalité est parfois bien dure... Et je serais une travailleuse sociale pourrie : beaucoup trop émotionnelle face aux évènements et, surtout, hyper-facile à manipuler, toujours ma tendance à penser que le monde, il est beau et il est gentil, et à croire n'importe quels grands yeux innocents qui me l'affirment...